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Interview de Marc Bernardin, Vice président d’A Compétence Egale

Pour une entreprise, comment savoir si ses recrutements sont discriminants envers les seniors ?

MB : Tout d’abord, je voudrais préciser que l’âge est un des principaux motifs de discrimination en France, au niveau de l’acte de recrutement mais aussi de la gestion de carrière.

Les indicateurs liés au recrutement et à la formation sont particulièrement faciles à suivre. Il suffit de revenir sur les recrutements effectués dans l’année et de regarder s’il y a des écarts de nombre d’une tranche d’âge à l’autre. Une entreprise qui aurait une faible proportion de recrutements seniors, pourrait être suspectée de discrimination, même si à ce stade, on ne sait pas d’où provient la discrimination (sourcing, conduite de l’entretien…).

Mais cela suppose qu’on ait le même nombre de personne par tranche d’âge sur le marché ?

MB : Dans cet exercice, on considère que la population « seniors » est équivalente aux autres populations, il s’agit d’avoir une photographie des recrutements, pour prendre conscience de la proportion de seniors. Mais il existe des exceptions. Par exemple, dans le domaine informatique, le nombre de seniors est plus faible car les jeunes diplômés ont bénéficié d’un accès plus large à ces formations. Pour des résultats précis, l’entreprise peut comparer ses chiffres à la réalité du marché de l’emploi dans son secteur d’activité. Ensuite, il peut être intéressant de comparer les fonctions entre elles. On constate que les seniors sont plus discriminés dans les fonctions commerciales, parce qu’ils souffrent de stéréotypes fortement ancrés, tels que le manque de dynamisme et de flexibilité.

Pour la formation, il suffit de regarder  si les seniors ont bénéficié d’autant de formations que les autres personnes dans l’année ou l’année précédente.

En matière de gestion de carrière, quel est le sort des seniors ?

MB : S’agissant de l’accès à la formation, les résultats des études sont catastrophiques. Si on prend l’indicateur du nombre d’heures de formation, on constate que les seniors en ont nettement moins que la moyenne. Là, on touche du doigt une vraie difficulté, puisque la formation est le levier majeur de l’employabilité et donc de l’évolution professionnelle.

Dans l’entreprise, l’évolution professionnelle défavorise les seniors. Si on mesure le nombre d’années écoulées entre deux postes, plus on est âgé, plus le cycle professionnel s’allonge. Il ne s’agit pas forcément de discrimination dans ce cas, mais on peut s’interroger sur l’équité des processus de gestion de carrière.

Quels  sont  vos conseils pour assurer l’égalité des chances ?

Il faut auditer le processus de recrutement. Je conseille de revoir toutes les candidatures de ses recrutements passés, de prendre conscience que l’on est surement passé à coté de candidatures de qualité et de se demander pourquoi.

Ensuite, il faut retenir une approche par compétences pour l’avenir, c’est-à-dire uniquement centrée sur les compétences requises pour le poste, et évaluer les candidats avec ce seul filtre.

Les descriptions de poste permettent de déterminer les compétences clés nécessaires pour réussir à un poste. La grille d’évaluation, équivalente aux compétences recherchées, neutralise l’âge et les stéréotypes qui y sont liés. Se cantonner à l’évaluation sur la base des compétences demande du formalisme et beaucoup de discipline.

Quel est l’intérêt pour l’entreprise d’adopter cette démarche de recrutement par compétences ?

Le recrutement gagne en professionnalisme, donc en efficacité. L’entreprise assure l’égalité de traitement. Ensuite, la protection est assurée au regard d’un risque discriminatoire. Si une personne a le sentiment infondé qu’on n’a pas retenu sa candidature à cause de son âge, l’approche par compétence permet d’avoir une traçabilité sur les critères de choix et de les expliquer. L’approche par compétence apporte donc un triple avantage: diminuer les discriminations, accroitre la diversité source de performance, et professionnaliser l’acte de recrutement. Dans tous les cas, l’entreprise et les hommes et les femmes qui la compose en sortent gagnants.

Article rédigé en partenariat avec exclusiverh.com